J’ai évoqué, il n’y a pas si longtemps, « les génies » qui nous gouvernent. C’est à la fois facile, et un peu poujadiste, je vous l’accorde. Mais d’un autre côté, c’est tellement vrai ! Ça n’a peut-être même jamais été aussi vrai que nos dirigeants, au sens le plus large, sont déconnectés de la réalité.
Comme chacun sait, et sans mauvais jeu de mots, nos réseaux électriques sont d’ores et déjà sous tension.
Imaginons maintenant qu’en 2035, il n’y ait plus du tout de moteur thermique dans l’UE, ce qui est plus ou moins prévu : cela l’a été. Les Allemands n’ont plus l’air trop d’accord. On s’y perd un peu…
Indépendamment du fait que cela ne sauverait pas du tout la planète, vu que tous les autres pays (plus de 94% de l’humanité, tout de même) s’en fichent et continueraient probablement à rouler largement à l’essence, il y a deux ou trois autres « oublis » ou omission qui me paraissent assez évidents dans cette brillante stratégie.
Tout d’abord, avec un véhicule électrique, quand il n’y a pas trop de monde ou de file d’attente à la borne, il faut compter 45 minutes de recharge pour environ 400 km d’autonomie pour les meilleurs véhicules… quand il n’y a pas de vent, qu’il ne fait ni trop froid, ni trop chaud, qu’on utilise pas la clim’ ou l’autoradio et qu’on n’habite pas en montagne…. Contre 5 minutes avec des infrastructures partout pour 800 km à 1.000 km d’autonomie, dans toutes les conditions, bouchons compris pour la voiture thermique.
Ensuite et surtout, un Européen, ça vit majoritairement en ville. Question : on fait comment pour recharger ailleurs qu’au départ du réseau de distribution public quand on habite dans un immeuble à appartement ?
Par ailleurs, dans l’agglomération Parisienne, j’ai vérifié, il y a 35% des véhicules qui dorment dehors, dans la rue, et pas forcément à la même place d’un jour sur l’autre. On va les alimenter comment ? ça en fait des travaux à réaliser et de l’énergie électrique à produire, tout ça. Douze ans pour faire des trous dans tous les trottoirs de toutes les villes d’Europe et renforcer les réseaux, sans même parler du temps à se mettre d’accord sur l’énergie à produire et les permis qui vont avec tout ça ?
Ensuite et enfin, sur les carburants pétroliers, les taxes représentent en France… à la fois 104% du prix pour le consommateur et 45 milliards de recettes annuelles pour l’état. L’Etat pourrait-il se passer de cette manne ? Non. Continuera-t-il à subventionner à ce point, indéfiniment, les véhicules verts ? Plus que probablement pas. Sachant qu’une voiture électrique, même subventionnée, coûte en général au moins 10.000 à 15.000 euros de plus qu’un véhicule thermique, qu’adviendra-t-il lorsque tout à la fois ces subventions seront supprimées ET qu’il faudra taxer l’énergie électrique destinée à alimenter lesdits véhicules ? Que pensera de tout cela le consommateur-citoyen ?
M’est avis que ces deux ou trois questions de bon sens qui ont été très manifestement méconnues malgré leur évidence amèneront, surtout dans un contexte d’inflation et donc de baisse du pouvoir d’achat, des « remontées d’informations » vers lesdits décideurs, lesquels changeront probablement leur fusil d’épaule et, en tous cas, réduiront la voilure sur leurs ambitions… ne fût-ce que parce qu’il va s’avérer impossible de faire autrement.
Et je ne parle même pas des camions, des avions et des bateaux… et je ne rappellerai pas non plus les très jolis tableaux, fournis par l’ONU, qui illustrent à la fin du livre le propos de l’excellentissime « la guerre des métaux rares », dont je vous ai recommandé la lecture plus d’une fois. Même l’Union Européenne vient de finir par s’apercevoir qu’il y avait un « risque de pénurie » (doux euphémisme quand on regarde les tableaux de l’ONU) de matériaux pour les voitures électriques.
Si encore on multipliait les trains et qu’ils arrivaient à l’heure… Mais c’est très loin d’être le cas !
Nous avons été longtemps gérés de façon rationnelle. Cela a fait notre succès. Même la plus belle des idéologies doit s’attendre à être confrontée tôt ou tard à la réalité, voire aussi à la vraie opinion du public, surtout quand il n’y aura à la fois plus de subsides dans un sens et plus de taxes dans l’autre.
Fiction ? Non.
Le mouvement de balancier s’amorce : en France, c’est le Sénat qui demande un report d’au moins cinq ans du projet de multiplication des zones de basse émission.