Glossaire: lettre « P »
Paranoïaque : chez les juifs, les plus paranoïaques, aux alentours de 1936, ont pensé à fuir et ils ont survécu, parfois même prospéré, à New-York ou ailleurs. Les autres, les optimistes sont morts. Cet épisode bien connu démontre, si besoin en était, que l’optimisme a donc ses limites et la paranoïa n’est pas absolument un mal condamnable. Tout est affaire de dosage. De manière générale, les paranoïaques sont plus sensibles et plus réactifs, mais ce n’est pas forcément inutile.
Proudhon : dans son ouvrage, intitulé « Qu’est-ce que la propriété », Pierre-Joseph Proudhon s’est fait connaître par sa réponse, aussi remarquée que connue. Selon lui, « la propriété, c’est le vol ». Il s’est décrit lui-même comme anticapitaliste, anti-étatiste et anti théiste (NB : au passage, notons que toute définition qui se contente de nier quelque chose ne fait jamais que renforcer ce quelque chose, ne fut-ce que comme point de référence). Ce qu’on sait moins, c’est qu’on doit lui reconnaître une certaine franchise puisque celui qui est présenté comme le père de l’anarchie a écrit dans la foulée « Philosophie de la misère », conscient sans doute que l’antitout amenait immanquablement à ne produire vraiment pas grand-chose…
Il crée ensuite des journaux, dont aucun n’a marché, puis meurt, dans la misère, d’une congestion pulmonaire. Politicien qui tentait de secouer le système politique sclérosé (déjà) de son temps, on doit lui reconnaître un certain courage, lui qui considérait, à mon avis à juste titre, que beaucoup de penseurs qui s’inscrivaient dans la foulée de ses idées n’étaient que des « conventionnels » (le mot est de lui) dignes au mieux de « clubs de vieilles dames qui discutent en prenant le thé, un doigt en l’air ». Toute ressemblance avec des pseudo-intellectuels du premier quart du vingt et unième siècle ne peut qu’être fortuite puisque, comme chacun sait, l’histoire ne se répète pas.
Plafond de verre: prenez un bocal. Placez-y des puces. Couvrez le bocal avec un morceau de verre. Les puces sautent et se cognent au bocal. Petit à petit, elles sautent de moins en moins haut ? Enlevez le verre. Elles continuent à sauter en dessous de ce « plafond de verre » qui, pourtant, a disparu. Les idées limitantes fonctionnent de la même façon. Ne vous laissez pas envahir par les pensées limitantes, vous aurez beaucoup de mal à sauter suffisamment haut, ensuite.
Perrichon : « Le voyage de Monsieur Perrichon » nous enseigne énormément sur l’ingratitude et, plus encore, sur le fait que « la gratitude, ça ne marche pas ». Dans cette pièce, Eugène Labiche décrit un comportement peu perçu, alors qu’il est parfaitement banal : l’ingratitude. M. Perrichon profite pleinement des joies alpestres, pendant que sa fille se repose dans son chalet. Au retour de sa randonnée, il présente à la jeune fille deux jeunes gens qu’il a rencontrés. Il expose que le premier est un garçon formidable à qui lui, Perrichon, a sauvé la vie. Il ne parle pas du second, jusqu’à ce que, son valet insistant, il mentionne brièvement et sans emphase que ce deuxième larron l’a secouru, lui, Perrichon, alors qu’il était tombé dans une crevasse. Il minimise le danger qu’il courrait et juge son sauveur arrogant et prétentieux. A force de déformer l’événement, il finira même, au fil de la pièce, à se demander s’il a vraiment eu lieu ? Parallèlement, notons aussi que Monsieur Perrichon souhaiterait donner sa fille au jeune homme que lui a sauvé. Eugène Labiche illustre un phénomène connu, mais que peu ont à l’esprit : la gratitude est non seulement pour beaucoup quelque chose de très vague, mais il semble qu’elle leur soit particulièrement compliquée, voire impossible, là où précisément elle devrait être particulièrement présente. En effet, il semble que quelqu’un qui a réellement été en état de faiblesse face à son sauveur finit souvent par détester celui-ci. Par contre, l’homme semble ainsi fait qu’il est en général très fier d’avoir accompli de bonnes actions et s’illusionne volontiers en étant convaincu d’avoir mérité une gratitude éternelle.