J’ai beaucoup écrit, ces derniers temps, à propos de l’Allemagne. J’ai vu, avant que les journaux de masse le soulignent et avant qu’elle se ré-arme, que le couple Franco-Allemand battait de l’aile un peu plus que d’habitude et que cela allait s’accentuer. Cet état de fait ne s’améliorera pas, et en développant son propre complexe industriel, l’Allemagne va nécessairement devenir un concurrent de la France, des USA et de la Grande Bretagne sur le terrain du commerce des armes… Et donc le discours à son propos dans les médias dominant va évoluer immanquablement puisque le « la » est donné en l’espèce par Washington, et on ne peut ignorer l’importance du complexe militaro-industriel US. Dès que les Allemands cesseront de dépenser leurs milliards en matériel Américain, on peut s’attendre à moins de « French Bashing » et, en tous cas, à plus de « German bashing »… dans ce cadre, c’est la France qui va prendre un rôle de pivot et devra à un moment ou un autre faire un choix entre son côté « Continental » ou son côté « Atlantiste »…
J’ai bien une idée très nette sur le sujet, mais il est encore bien trop tôt pour se prononcer.
Quoiqu’il en soit, j’aime l’Allemagne, mais à chaque fois que je me le dis, je me dis aussi tout aussitôt que j’aime mes deux pays : la France et la Belgique. Est-ce incompatible ? Non, me semble-t-il, mais cela n’empêche pas la lucidité non plus.
Pourquoi ce rejet ambiant systématique du nationalisme ? Si Cervantès est aimé en tant que poète universel, c’est d’abord et avant tout parce qu’il est le plus grand poète Espagnol. Quand on va dans une pizzeria, on s’attend plus volontiers à y voir des tableaux de gondoliers vénitiens et à y entendre Eros Ramazzoti que le dernier tube planétaire impersonnel. Ne serait-ce d’ailleurs pas pour ce genre de raison aussi qu’on va dans une pizzeria ? C’est aussi, voire surtout dans leurs aspects « caricaturaux » qu’on aime les Italiens, les Français, les Allemands… le vin des uns, les voitures des autres…
L’amour que je porte à mes pays ne m’empêche nullement d’aimer les autres.
En matière de musique classique, j’aime Saint Saëns, Debussy, Lully, César Frank (Lg), Eugène Isaÿe (Lg) et beaucoup d’autres, mais comment pourrais-je même seulement envisager de ne pas aimer l’Allemagne et d’oublier Wagner, Beethoven,…?
La langue allemande est déjà portée à s’interroger sur elle-même et ce n’est pas un hasard si c’est la langue de Hegel, Kant, Leibniz ou Heidegger… On connaît et reconnaît les Allemands pour la forme particulière de leur génie, mais on oublie qu’ils sont aussi le peuple de l’intuition et du romantisme, avec des emblèmes aussi forts que Goethe ou Jung qui, même s’il n’était pas allemand (CH), était tout ce qu’il y a de germanique.
L’Allemagne, par contre, au contraire des cas très clairs de l’Italie, de l’Espagne, de La Grande-Bretagne, de l’Irlande… et dans une moindre mesure de la France, est aussi un pays qui n’a pas de frontière « naturelle » et qui ne sait donc pas très bien où sont ses frontières. Cela porte naturellement ce pays vers la tragédie… et nous avec, de temps en temps.
La Silésie ? Vienne ? Strasbourg ? … autant de cas historiquement compliqués. Même « à l’intérieur », les choses ne sont pas toujours très claires… L’Autriche a fait céssession et la Bavière, par exemple, est TRES indépendante et autonome du reste de l’Allemagne jusque dans son statut…
Jusqu’au milieu du XIXème siècle, date de la création de l’état moderne Allemand dans des formes vaguement similaires à celles qu’on connaît aujourd’hui, on parlait « deS AllemagneS », et ce pays qui semble éprouver les pires difficultés à s’ériger en tant que nation a également du mal à dissimuler qu’il est nostalgique de l’Empire qui a longtemps rassemblé les entités qui le composent et qui ne parlaient d’ailleurs pas toutes Allemand (je suis très bien placé par le savoir : la ville de Liège a été fondé à l’initiative du Duché de Cologne… mais je pourrais aussi citer en exemple le Milanais).
La France n’est pas qu’une « race » ou une « origine » : tout comme moi, beaucoup de gens sont Français parce qu’ils en ont l’idée et qu’ils le veulent, donc pour des raisons de rationalité et de volonté. Un Français, toujours, tend à expliquer la France. Un Allemand semble hermétique à cette idée même, dont on sent bien qu’elle relèverait presque chez lui de l’impolitesse. Peut-être parce que les définitions qu’il s’est données dans le passé lui furent confisquées… ou parce qu’elles sont trop nombreuses.
Un Français tiendra pour évident le fait d’être Français. Un Allemand sera d’abord et avant tout de Münich ou de Berlin…
Nier que « l’Allemagne », en tant qu’état moderne et même très moderne, soit toujours et encore traversé de diversités, mais aussi de sombres rumeurs qui sentent à plein nez ses origines, ses travers et sa nostalgie de « la Germanie » est tout aussi idiot, sinon plus idiot encore que de détester le « Boche », comme certains parmi les miens s’apprêtent à le faire.
Il est de moins en moins nécessaire d’y regarder de près pour observer que cette Allemagne qui se sent à nouveau à l’étroit, tout en essayant de ne pas froisser son « golden sponsor » US pense à nouveau à s’étendre vers l’Est malgré le fait que cela n’ait été quasimment que source de malheurs pour elle depuis mille ans. Ce faisant, se ré-armant, tirant à elle la couverture d’une Europe où Bruxelles ne servira bientôt plus que de paravent à SA politique, elle est de nouveau politiquement plus proche de ces penchants historiques qui nous ont tant nui que de son génie et de tout ce qui me fait l’aimer.
Plus récemment :
- Politiquement, l’Allemagne décide seule, au mépris des accords de Schengen et sans prévenir ses partenaires Européens, d’accueillir des millions de réfugiés, notamment Syrien, chez elle, c’est-à-dire dans l’espace communautaire
- Politiquement, l’Allemagne décide seule, au début de la période « Covid », toujours au mépris de Schengen et sans avertir personne, de fermer ses frontières, qui plus est en commençant par les frontières contigües à la France…
- Politiquement, l’Allemagne décide seule et sans avertir aucun de ses « partenaires européens », de se doter d’un budget militaire annuel kolossal de 100 milliards d’euros (France : 50 milliards, les années où on force beaucoup)
- Politiquement, de nouveau sans prévenir aucun de ses « partenaires Européens » (et pour cause !), au mépris de toutes les règles Européennes et alors qu’elle se gène rarement pour faire des remarques aux autres, l’Allemagne a débloqué 400 milliards d’euros pour soutenir ses industries touchées par les conséquences de ses choix plus que discutables en matière énergétique « la guerre en Ukraine », soit un niveau de subventions nationales et de distorsion de la concurrence délirant.
Tout ce que je viens d’énoncer est purement factuel, fait au vu et au su de tous et révèle que, politiquement, l’Allemagne fait cavalier seul et met de plus en plus systématiquement ses « partenaires européens » devant le fait accompli, au mépris flagrant de certains traités. La dernière fois qu’elle a agi de la sorte, ce fut d’abord en remilitarisant la Rhénanie, puis en annexant les Sudètes, l’Autriche…
N’ayons pas peur de nous méfier ouvertement de l’Allemagne politique et des travers de la Prusse, ce qui n’implique nullement la détestation, ni même de rejeter la culture et la grandeur du peuple Allemand.